La complainte à Durette

1er Source (1)

Composée par Mathias Morin
Instituteur et poète

Hyppolyte demeurait au 3e rang Ouest de la paroisse du Bic. (lot 210 aujourd'hui). Il est décédé le 19 décembre 1868 (20 ans) après s'être égaré dans la forêt, au 5e rang du Bic, en quête d'un arbre de Noël.

Il périt de froid dans une tempête de neige.


2ième Source (2)

Cette complainte a été chantée par M. Louis Desrosiers, 73 ans, de Chicoutimi. Elle relate le sort tragique d'un nommé Durette égaré en forêt dans le "cinquième" du Bic et qui périt de froid vers le milieu du XIXe siècle. Elle nous a été fournie par Serge Marquis du Bic, étudiant au Cegep de Rimouski en 1976-1977.


LA COMPLAINTE À DURETTE

I

Oh! jeunes gens qui vivez sur la terre
Dans les plaisirs et dans la liberté
Sans y songer que la mort à toute heure
Dans un instant pourrait bien vous frapper
Préparez-vous à ce coup redoutable
Vous ne pouvez jamais trop y penser
Vous comme moi il est trop véritable
Vous ne savez de quelle mort vous mourrez.

II

Tout comme moi je pensais bien de même
Que de ma mort j'étais très éloigné
Comptant hélas sur ma vieillesse extrême
Déjà un an que j'étais marié
Déjà heureux croyant de vivre encore
Me préparant un heureux avenir
De mon épouse que j'aimais comme l'aurore
Ne sachant pas que je devais mourir.

III

Partant hélas avec une joie extrême
Dès le matin qui était le jeudi
Avec mon frère pour monter au cinquième
Par le chemin qu'a fait Firmin Marquis
Me séparant de mon frère Joseph
Pour prendre un chemin qui devait me raccourcir
Ne sachant pas que ce jour de tristesse
Serait le jour où je devais mourir.

Complainte à Durette
IV

Après avoir monté avec misère
Dans le chemin que j'ai pris pour appui
Je me croyais vis-à-vis de mon frère
Tout aussitôt je lui jetai un cri
N'entendant rien pour y guider ma course
A travers le bois je me suis précipité
Pour traverser me servant de ma bouche
Criant mon frère, mon cher frère aide-moi.

V

Je croyais me faire une route sûre
Lorsque j'étais tout à fait égaré
Marchant, criant, courant à l'aventure
Dans peu de temps je me suis très éloigné
La peur en moi prenait aussi sa place
La faim, la soif vinrent se présenter
A coup de poing j'ai défoncé la glace
Sur un ruisseau pour me désaltérer.

VI

J'étais alors si troublé en moi-même
Je ne savais plus quel côté marcher
J'ai bien passé auprès d'une cabane
Sans y daigner même la regarder
J'ai bien monté de bocages en bocages
Lorsque la nuit était très avancée
Les pleurs alors arrosaient mon visage
Lorsque je vis mon trépas approcher.

VII

Je me suis fait un lit de sapinage
Pour me coucher croyant me reposer
Le froid alors vint glacer mon visage
Qu'il m'a forcé de me faire relever
La faiblesse alors était dans tous mes membres
Et c'est à peine que je fis quelques pas
Autour d'un arbre je marchais bien sans charme
Disant Seigneur : retarde mon trépas.

VIII

Adieu mon père, ma mère inconsolable
Adieu Marie, mon épouse chérie
C'est devant Dieu ce juge redoutable
Que ma pauvre âme doit s'anéantir
Mon corps restera enfoncé dans la neige
Bien exposé à être dévoré
Priez pour moi mes amis de la terre
Je dois mourir dans un bois éloigné.

IX

Le lendemain son père qui se lamente
Ne pouvant pas encore le retrouver
En peu de temps le monde se rassemble
Prenant le bois de chacun leur côté
La neige hélas tombait en abondance
Dieu ne permit pas de chercher pendant la nuit
Le cinquième jour ils ont eu plus de chance
En le trouvant tout glacé et sans vie.

X

Là on peut douter de la scène touchante
Lorsqu'il fallut le rentrer au logis
Sa mère hélas tomba en défaillance
Sa femme aussi poussait de tout hauts cris
Cessez vos pleurs parents inconsolables
Un jour viendra qu'il vous faudra mourir
C'est devant Dieu ce juge inexorable
Qu'il faudra tous un jour s'anéantir.

 


Source:1 Bic 150e Anniversaire 1830-1980 (A pleine voile...), p. 525-528. Rimouski, mai 1980
Source: 2 Revue d'Histoire du Bas St-Laurent, Rimouski, Vol. V no.1 février 1978 p. 9-12 incl.


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