Famille Eloi Duret et Marie Dumont

L’épopée de la famille
Duret
en Saskatchewan

(Source: Le journal L’EAU VIVE, le 20 juin 1979, p.7 et 13)

Note: Je n’ai pas le nom de l’auteur(e) de ce beau et riche texte.
C'est surement un petit-fils ou petite-fille d’Eloi et Marie.

L'article débute en faisant mention de la:
(Collaboration spéciale de Soeur Marie-Anna Duret)

Famille Eloi Duret et Marie Dumont
Victoire, Saskatchewan - 1915
Wellie - Clémence - Eugène - Jeanne - Alphonse - Raoul
Eloi Duret - Léonce - Marie Dumont
Eugénie - Eveline - Rose - Marie-Anne - Léonie

C’est en 1910 que la famille d’Eloi Duret et de Marie Dumont émigra dans l’Ouest canadien. Eloi et sa femme ont décidé de quitter la province de Québec pour subvenir aux besoins de leur famille de dix enfants et pour essayer d’éviter la dispersion trop tôt. Les revenus de la famille étaient si minces, en effet, qu’il aurait été impossible de garder les plus grands à la maison aussitôt qu’ils auraient été capables de gagner leur vie. Comme disait grand mère Duret: “J’irais n’importe où et dans n’importe quelles conditions pourvu que j’aie ma famille avec moi”

C’est monsieur l’abbé Bérubé, colonisateur, qui leur donna l’idée de venir dans l’Ouest. Eloi vint d’abord visiter différents endroits de la Saskatchewan, entre autres Zénon Park, et finalement il choisit le site de Victoire qui leur rappelait son cher Saint-Eloi. Il retourna dans l’Est pour vendre sa propriété puis il revint avec toute sa famille: sa femme Marie, Eugène, Alphonse, Clémence, Jeanne, Raoul, Willie, Eveline, Marie-Anna, Léonce et Léonie. Léonie était bébé et Eugène l’ainé, avait seize ans. Le voyage se fit en compagnie d’un grand nombre de colons. Parmi ceux-ci, une trentaine de familles se fixèrent à Shell River maintenant Victoire. En ce temps-là, il n’y avait rien par ici: pas d’habitations, pas de culture, rien que les bois, la prairies, le lac et le ciel bleu.

Eloi laissa sa famille à Prince Albert pendant les quelques semaines qu’il alla avec Eugène, Alphonse et Willie prévoir aux moyens d’installation sur le homestead. Le petit Willie, âgé de sept ans avait voulu accompagner la caravane, mais il était trop jeune pour les gros travaux. La légende raconte qu’il s’ennuya beaucoup de Raoul, si bien qu’au retour pour prouver son amitié à son frère, il se mit à boxer avec lui. Entre temps, Raoul avait fréquenté l’école des Soeurs de Sion qui le trouvèrent bien brillant élève bien qu’il ne sache pas l’anglais.

Le premier été, grand-père acheta des chevaux et des boeufs pour commencer la culture. Il fallait faire marcher de pair la construction d’un shack ainsi que le défrichement et le cassage pour pouvoir ensemencer l’année suivante.

Quand la famille arriva à Shell River le shack n’était pas encore prêt. Tous furent satisfaits de la tente pour abri.

A l’automne ce fut le shack, ce qui alla assez bien pour l’hiver car, il était grand et bien chauffé. Mais malheur! Au printemps, le toit couvert de boue laissait passer la pluie et vous pouvez vous imaginer l’état de l’intérieur après une averse. Grand-mère devait recommencer le lavage entier après chacune des pluies. D’après le témoignage de l’oncle alphonse qui se rappelle ces choses, elle ne se plaignit jamais.

Dès le premier été, il y eut quarante acres de cultivées pour être ensemencées le printemps suivant.
Au bout de quatre ans, une maison assez vaste et confortable fut construite sans eau courante, sans électricité ni chauffage à l’huile bien entendu mais en ce temps là, personne ne rêvait de ces commodités. A mesure que la maison montait, tout le monde s’extasiait. Grand-mère elle-même était si contente que, dès que les murs et le plancher de la maison furent posés, avant même qu’il y ait un toit, elle apportait sa chaise berceuse quand elle en avait le temps pour se bercer un peu dans la maison neuve tout en faisant son tricot.

Avant même que les chars passent à Debden, les emplettes se faisaient soit à Shellbrook, soit à Prince Albert. Le trajet se faisait avec les chevaux, mais on ne revenait pas le même jour avec la levure pour la pâte et la farine pour le pain.

Eugène étant l’ainée de la famille était le bras droit du père à seize ans. Il ne fut pas le seul à travailler comme un homme. Alphonse était tous aussi vaillant à quatorze ans, il creusa deux puits à la pelle avec son père. Même Raoul, à neuf ans, faisait sa journée de travail, heureusement qu’il était grand pour son âge. On dit que Willie n’était pas si brave, mais sept ans, c’est bien jeune! Clémence et Jeanne montrèrent aussi beaucoup de courage dès les débuts Clémence aidait surtout sa mère à la maison Jeanne aimait conduire les chevaux au temps des battages. A mesure qu’Eveline, Marie-Anna, Léonce et Léonie grandirent, ils suivirent les exemples des ainées. Et ce fut de même pour Rose et Eugènie qu’on appelle nos deux broncos de l’Ouest parce qu’elles sont nées en Saskatchewan.

La nourriture des premiers temps, pour ce qui était de la viande, consistait de lièvres, de poules de prairie, de canards sauvages, etc. Le pain n’a jamais manqué, mais les colons célibataires des alentours venaient à tour de rôle, quémander de la crème. Grand-mère essayait de refuser, volant garder ce mets spécial pour sa famille, mais eux insistaient tellement qu’à la fin elle ne pouvait plus résister et leur donnait la crème convoitée. Quand enfin les bachelors ont pu avoir leur troupeau et se satisfaire eux-même, ce fut le tour des Duret de se régaler avec la crème.

Les colons qui s’installèrent à Victoire eurent, dès le premier été, un prêtre pour s’occuper d’eux. La messe était dite en plein air, là où les tentes étaient dressées, près d’un sources d’eau qui fournissait toutes les familles. Nos grand-parents vénéraient le prêtre, ils étaient très attachés à leur religion et ils enseignaient fidèlement le catéchisme à leurs enfants. Mais leur plus fructueux enseignement était certainement celui de leur exemple de piété et de charité chrétienne.

Grand-père et grand-mère Duret étaient vraiment des êtres à part. Leur charité pour leurs voisins était proverbiale. Grand-père était sobre de paroles, mais il savait réfléchir, et quand il avait décidé une chose, elle se faisait. Il était d’une grande piété et aimait beaucoup la nature. Les soirs d’été, il escaladait la colline non loin de chez lui et, assis là-haut, il se perdait dans la contemplation du soleil dorant les alentours de ses derniers feux... Dans cette beauté, il voyait un reflet de la beauté divine... et il priait avec beaucoup de ferveur.

Grand-mère était pétrie de tendresse et de force. C’était une vraie maman, toute dévouée à sa famille. En plus d’aimer ses enfants et de les élever chrétiennement, elle leur apprenait à lire en français. Elle était pleine d’humour et inventait avec son talent d’écrivain des adresses et des compliments et toujours dans le but de faire plaisir et d’amuser son monde.

Soixante-neuf ans ont passé depuis que la famille Duret est arrivée en Saskatchewan. Ses descendants se comptent dans les 400 aujourd’hui. Le Seigneur a béni la postérité d’Eloi et de Marie. Les descendants sont riches de talents de toutes sortes. On en trouve de tous les métiers et de toutes les professions. Chez eux on pourrait découvrir toutes les richesses nécessaires pour maintenir et faire avancer une communauté: menuisiers, électriciens, maçons, plombiers, professeurs, éducateurs, administrateurs, prêtres, religieuses, gérants de banque, fermiers, etc.

Soyons fiers de notre lignée et faisons en sorte de continuer à marcher à la suite de nos aieux dans la voie du devoir et de l’honneur.


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